Ce jeudi 10 août 2017, trois articles de presse ont attiré mon attention.

Le premier racontait l’histoire de ce jeune adolescent de Charleroi, victime de la mauvaise plaisanterie d’un « camarade ». Sur un site de création de blagues, ce dernier a eu l’idée d’accuser – pour « rire » – cet ado de pédophilie, d’y joindre sa photo et de diffuser la fausse information sur les réseaux sociaux. Cette accusation, se présentant sous la forme d’un article de presse, a été partagée des dizaines de milliers de fois et a suscité de nombreux commentaires négatifs dont certains violents à l’encontre de l’accusé.

Le second, au titre accrocheur mais contredisant le contenu de l’article, relatait la rediffusion dans les environs d’Adinkerke de la célèbre légende urbaine des signes des cambrioleurs. Cette fois, il s’agissait de pavés coloriés à la craie qui indiqueraient les maisons prochainement visitées. La police de la Westkust dément l’information et demande à la population de la région d’arrêter de propager cette fausse rumeur sur les réseaux sociaux.

Le troisième article se moquait de cet élu FN qui, alerté par des riverains, a confondu le tournage de la série Le petit Quinquin avec l’installation d’un camp de migrants près de Boulogne-sur-Mer en France. Il a relayé la fausse information sur Twitter.

En un jour, trois affaires différentes – l’une en Wallonie, la seconde en Flandres, la troisième dans le Nord de la France, nous parlent d’un même sujet : la création ou la réactivation d’une rumeur due à la mauvaise interprétation d’un « indice » troublant !

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Dans les trois cas, les activateurs et les diffuseurs de la rumeur ont été victimes de leur peur qui leur a fait interpréter un événement ou un énoncé de manière erronée ! Cette peur est évidemment liée à leur vision du monde, à leur expérience personnelle et à leur intuition.

Dans le premier cas, la rumeur réveillait le traumatisme des tragiques affaires de pédophilie des années 90. Diffuser cette accusation permettait d’avoir un sentiment de maîtrise d’un danger potentiel (connaître un pédophile permet de maintenir à distance ses enfants ou ceux de ses proches), de réitérer son rejet de ce type d’acte et de faire preuve de solidarité en prévenant ses proches.

Dans le second cas, la rumeur jouait sur la peur des cambriolages, réactivée à chaque départ en vacances, lorsqu’on laisse sa demeure sans surveillance plusieurs jours d’affilée. Rappelons que les cambrioleurs ont d’autres moyens plus modernes – comme le téléphone – pour s’informer du résultat de leur guet sans attirer l’attention des propriétaires par des signes visibles. Diffuser cette information permet d’avoir l’impression de pouvoir prédire les vols et donc de s’en protéger. Cela permet aussi de faire preuve de solidarité avec ses voisins.

Dans le troisième cas, la crainte de voir se recréer une « Jungle de Calais » – dans cette région prisée par les réfugiés et migrants voulant se rendre en Angleterre – a déclenché l’interprétation erronée. On se rappelle les nombreux articles diffusés par des sites proches de l’extrême droite qui associent leur présence à l’augmentation de l’insécurité (voir à ce sujet la remise en contexte des statistiques de la criminalité en Allemagne). Diffuser la rumeur a permis au député de rassembler ses soutiens en vue de pouvoir mener une protestation d’ampleur et ainsi de provoquer des mesures officielles pour ne pas devoir gérer un possible nouveau regroupement de migrants.

Ces trois cas nous en disent long sur les peurs des activateurs des rumeurs et de leurs diffuseurs. Peut-on leur reprocher d’avoir éprouvé ce sentiment ? La peur est éprouvée par tout le monde. Elle ne se contrôle pas et les dangers de la pédophilie, de la dépossession de ses biens et de l’insécurité sont largement répandues et ressenties par chacun à un moment ou l’autre de sa vie. Nous pouvons donc comprendre ce sentiment. Cependant, la peur est mauvaise conseillère. Elle nous empêche de voir qu’il existe plusieurs interprétations possibles à un événement ou à un contenu et que certaines d’entre elles sont plus logiques, moins énergivores et/ou plus correctes.

Cette peur ne doit pas non plus nous faire oublier les conséquences néfastes que notre mauvaise interprétation a pu créer, parfois involontairement.

Premièrement, sur les victimes. Cet adolescent a été fiché comme pédophile et les démentis ne toucheront pas tous les diffuseurs de l’article. Il restera toujours une crainte chez ceux qui en ont eu connaissance. Le fameux : il n’y a pas de fumée sans feu ! Et plutôt que de remettre en question les intentions de l’auteur de la blague, certains pourront penser que ce dernier n’a pas été chercher cette accusation par hasard. Les gestes et le comportement de ce jeune homme risquent d’être scrutés longtemps et certains d’entre eux mal interprétés. Son nom et sa photo risquent aussi d’être associés, de nombreuses années, à cette accusation dans les résultats de recherche sur Internet. Et si des personnes, aveuglées par leur peur, n’ont pas fait l’effort de lire l’article jusqu’au bout pour comprendre qu’il s’agit d’une mauvaise blague, de la même façon, d’autres ne liront pas le démenti jusqu’au bout.

Certaines communautés, comme celles de gens du voyage que la rumeur des signes des cambrioleurs accuse souvent d’en être les auteurs, pourront être victimes de préjugés et d’intimidations sans que leur implication dans ces vols ne soit prouvée. Les migrants de Boulogne-sur-Mer pourront, eux-aussi, être davantage victimes d’ostracisme et de rejet d’habitants inquiets, souhaitant éviter que, bien accueillis, ils ne sentent à l’aise pour construire un camp dans les environs. Rappelons ici le retard de la mise en place de solutions officielles à long terme pour ces personnes en situation de grande précarité.

Deuxièmement, sur les diffuseurs de la rumeur. La peur peut nous paralyser ou nous faire commettre des actes que l’on regrettera par la suite. Elle peut nous amener à désigner des boucs-émissaires et à les harceler, les menacer ou même les agresser. Elle agit sur notre corps et notre moral. Elle peut enfin nous détourner de véritables problèmes comme le fait que les faits de pédophilie et plus largement de viols ou d’agressions sexuelles se déroulent majoritairement dans un environnement familial ou proche, plutôt que via la rencontre d’inconnus. Les cambriolages peuvent être favorisés par le fait que vous indiquiez votre départ en vacances sur les réseaux sociaux ou que votre boîte aux lettres déborde, etc.

Pour toutes ces raisons, rappelons-nous de bien vérifier la fiabilité de la source des informations que l’on reçoit, de croiser les sources, de bien lire les articles jusqu’au bout voire d’aller vérifier par soi-même si c’est possible. Rappelons-nous enfin d’identifier notre peur, de l’accepter mais aussi de choisir de la mettre à distance pour pouvoir effectuer les vérifications nécessaires avant d’agir en fonction de cette émotion !

Si la peur provoquée par une rumeur incite votre entourage à diffuser de fausses informations sur vous ou votre organisation, contactez-moi pour un diagnostic et des propositions d’actions !