Nous vivons actuellement une période exceptionnelle emplie d’incertitudes et de questionnements, propice à provoquer en nous des émotions fortes : inquiétudes, stress, angoisse, colère, sentiment d’injustice ou tristesse en cas de deuil d’un proche touché par le Coronavirus. Dans ce contexte, de nombreuses questions surgissent : comment se passera le déconfinement ? Pourra-t-on revivre comme avant ? Trouvera-t-on un remède efficace ? Celui-ci sera-t-il disponible pour tous ? Quand ? Si non, comment me protéger, ma famille, mes collègues ? Comment une telle situation a-t-elle pu se produire alors que nous sommes dans un pays développé avec tout de même un bon système sanitaire ?
Ces interrogations sont légitimes mais elles deviennent parfois obsédantes et nos émotions nous inciteront peut-être plus facilement à croire à de fausses informations, des rumeurs, des légendes urbaines, des canulars, voire des théories du complot.
Quelques exemples :
« L’amie médecin d’un ami a déclaré que la politique de l’hôpital X était de ne plus soigner les personnes de plus de 65 ans… »
« Nos chiens et chats de compagnie vont tous nous infecter. »
« Apparemment, le roquefort (ou l’aïl, l’alcool, la cocaïne, etc.) peut aider à soigner le COVID-19. »
« Avaler du désinfectant ou nettoyer ses œufs à l’eau de javel permet de tuer le virus. »
« Les autorités refusent d’utiliser des médicaments efficaces peu coûteux et déjà existants car ils veulent privilégier certains laboratoires et les aider à se faire plein d’argent. »
« Bill Gates a créé le virus, l’a répandu dans le but de nous proposer à tous un vaccin qui nous injectera une puce dans le corps. »
« Les antennes 5G propagent ou augmentent la propagation du virus. »
« Les trains à grande vitesse sont annulés en France jusque fin août, cela veut dire qu’ils savent déjà que les frontières resteront fermées. »
« Des gens malintentionnés font du porte-à-porte pour distribuer des masques gratuits. Ils vous incitent à les essayer pour savoir s’ils s’adaptent à votre visage. Attention, ces masques sont enduits de produits chimiques. Si vous les portez, vous tombez évanouis et ces personnes entrent chez vous pour vous cambrioler. Passez le message à tout le monde ! Je le tiens d’un gendarme réserviste ! »
Sculpture: Hommage à La Linea – Hugues Hausman
Nous avons tous vu passer l’une ou l’autre de ces fausses informations sur les réseaux sociaux, dans nos courriels, ou nos conversations. Certaines ne nous semblaient pas du tout crédibles, mais d’autres ont pu nous paraître plausibles. Nous ou nos proches les avons donc peut-être relayées en toute bonne foi en nous disant : « C’est peut-être faux mais dans le doute – on ne sait jamais – cela peut peut-être aider ! »
C’est une réaction compréhensible surtout que les discours des médias et des autorités sont parfois ambigus, peu clairs ou même changeants sur certains aspects de la situation (l’efficacité du masque par exemple). Cela ne nous aide pas à avoir une idée correcte de la situation. Or, nous aimerions tous mettre les chances de notre côté afin de préserver notre santé ou pouvoir planifier notre avenir.
Le problème est que les fausses informations peuvent prendre le pas sur les vraies, accroître l’angoisse et provoquer des comportements au mieux inefficaces, au pire dangereux. Alors voici quelques pistes et conseils pour nous aider à les détecter.
- Lorsque vous recevez un message angoissant d’un proche ou d’une connaissance, suspendez d’abord quelques minutes votre jugement et prenez un peu de recul. Avoir des informations fiables sur le virus et ses conséquences, ses remèdes ou encore l’évolution de la situation demandera du temps.
Il est impossible à l’heure actuelle d’avoir des certitudes sur ces aspects : les études scientifiques basées sur des méthodologies rigoureuses sont longues et leurs résultats n’apparaîtront que dans plusieurs mois ; créer des remèdes ou des vaccins efficaces aussi. Le virus mute et pourra encore muter à l’avenir. Le succès du déconfinement dépendra aussi de nos comportements collectifs. Les décideurs politiques n’ont pas toutes les réponses et peuvent naviguer à vue surtout que leurs décisions doivent non seulement prendre en compte l’aspect sanitaire, mais aussi des aspects économiques et sociaux. Sur certains sujets comme l’évolution de la situation, les médias aussi ne peuvent évoquer que des hypothèses ou imaginer des scenarii probables pour le futur.
- Prenez quelques instants pour analyser le message reçu avant de l’envoyer à votre tour. Ne le retransmettez jamais immédiatement et relisez-le calmement après quelques minutes. Les messages reprenant des témoignages de « l’ami d’un ami », qui contiennent des expressions comme « Attention ! Diffusez largement ! », qui semblent mal traduits, bourrés de fautes d’orthographe ou contenant des formules surprenantes sont la plupart du temps des légendes urbaines, des récits faux qui se recyclent depuis des dizaines d’années, ou de fausses informations. L’histoire des masques anesthésiants est ainsi la nouvelle version d’une légende datant d’au moins 1999 racontant la rencontre, sur un parking de supermarché ou dans la rue Neuve à Bruxelles, d’une jeune femme avec des voleurs lui faisant sentir un parfum contenant en réalité un anesthésique. A ce sujet, voir le chapitre de mon livre « Les légendes urbaines de Belgique » (Avant-Propos, 2017, pp. 96-100). Ces récits présentent souvent des incohérences ! Le message sur les masques évoque par exemple un officier de gendarmerie de réserve. Or, la gendarmerie n’existe plus en Belgique depuis de nombreuses années.
Autre exemple : pourquoi mettre des puces électroniques dans un vaccin si on veut tuer des gens à large échelle ? Autant les empoisonner directement avec le produit… Cette rumeur circulait déjà, sans mentionner Bill Gates lors de l’épidémie de grippe H1N1 de 2009.
- Vérifiez la source de l’« information » : ce message provient-il d’un site réputé fiable ou d’un site pour lesquels la vérification des sources est une option comme ceux de Santé et nutrition, Wikistrike, Riposte Laïque, Russia Today, etc. ? Elle peut également provenir d’un site parodique comme Nordpresse ou LeGorafi.
Est-il relayé dans la presse traditionnelle par plusieurs médias aux tendances idéologiques différentes ? Attention, les médias peuvent se tromper aussi et leurs titres accrocheurs ne reflètent pas toujours le contenu de l’article !
Si c’est une personne, qui est à la source, cette personne est-elle crédible ? Un kinésithérapeute n’aura pas les mêmes compétences, ni la même légitimité qu’un virologue pour parler du virus ! Attention, même un prix Nobel n’est pas à l’abri d’une erreur de jugement ou d’appréciation.
- Vérifiez si cette « information » n’est pas déjà démentie sur les sites de vérification de l’information comme Les décodeurs du Monde, CheckNews de Libération ou les indépendants Hoaxbuster, Spokus, Hoax-Net, Curiologie, Journalistes solidaires, com (en anglais). Si ce n’est pas le cas, demandez-leur d’enquêter.
- Si une image accompagne le texte et est présentée comme preuve, vérifiez dans Google images ou Tineye pour savoir si elle est récente et bien associée au contenu de l’article. Regardez-la bien pour voir si elle ne présente pas des signes de montage ou de retravail par un logiciel de retouche photo. Même les vidéos peuvent être trafiquées..
Suivre ces quelques règles, nous permettra déjà de nous faire une bonne idée de la crédibilité d’une information. Dans tous les cas, rappelons-nous que se tromper n’est pas grave en soi. Cela nous arrive à tous, encore plus sur des sujets sur lesquels nous ne sommes pas spécialistes ! Mais avec de l’entrainement et un bon esprit critique, nous nous ferons de moins en moins avoir.
Autrice : Aurore VAN DE WINKEL
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