A la suite de la parution dans Gala ce 3 avril 2013, d’un article, me citant, sur la rumeur de séparation de Jean Dujardin et d’Alexandra Lamy, voici mon analyse complète de ce qui s’est passé.
Depuis février, circule dans les médias la rumeur de la séparation du couple emblématique de Jean Dujardin et d’Alexandra Lamy. Cette rumeur fut suivie d’une autre annonçant la mise en couple de Jean Dujardin avec Elsa Zylberstein.
Si au départ, l’annonce n’a pas été commentée par les intéressées, elle fut par la suite démentie fortement par les comédiens fin mars 2013, attaquant trois journaux (Voici, France Dimanche et Closer) en justice pour atteinte à la vie privée.
Cette rumeur est en fait un ragot non vérifié. Pour être diffusé, cru et avoir un impact, il doit être plausible et relater un comportement envisageable mais déplacé de la personne qui est concernée et ce comportement doit dépasser l’attente normative de son public[1].
Or, justement, Jean Dujardin et Alexandra Lamy sont devenus un couple phare depuis leur coup de foudre dans la célèbre capsule « Un gars, une fille ». Aux yeux du grand public qui y est attaché, ils forment le couple parfait et solide. Alexandra Lamy explique souvent que des gens l’interpellent pour lui interdire de se séparer de son conjoint (cf l’émission On n’est pas couché du 19 janvier 2013). Ainsi, leur séparation ne serait pas un comportement exceptionnel mais ils ne sont pas censés rompre sans déroger aux attentes du public.
La diffusion de ragots vérifiés ou non n’est pas neuve et certains organes de presse en ont fait leur spécialité, se concentrant sur la vie privée des personnalités qui interpellent le grand public.
Dans ce cas-ci, plusieurs indices ont éveillé le soupçon des journalistes : Alexandra Lamy n’est pas venue à la cérémonie 2013 des Oscars. De plus, Jean Dujardin est parti avec des amis en vacances, sans sa compagne. Cette dernière serait partie de son côté avec sa fille.
Le ragot prend souvent appui sur des rumeurs plus anciennes et les médias ont réactivé la fameuse rumeur de la malédiction des Oscarisés – surtout vérifiée pour les femmes. Les médias ont relevé que de nombreux acteurs recevant leur oscar du meilleur acteur ou de la meilleure actrice, se séparaient de leur conjoint rapidement par la suite. Sandra Bullock, Kate Winslet, Halle Berry, Bette Davis, Hilary Swank et bien d’autres en furent victimes.
Cette malédiction est généralement expliquée par le fait que le partenaire, confrontée au succès de l’Oscarisé et souvent gagnant moins d’argent que lui, éprouverait un complexe qui engendrerait des tensions de couple[2]. Or, à l’annonce des nombreuses récompenses de Jean Dujardin en 2012, de nombreux articles de presse ont souligné tout au long de l’année, les différences de parcours et de succès entre les deux conjoints et prophétisaient qu’ils pourraient en être victimes.
Dans ce contexte, les médias ont été tout particulièrement attentifs aux conséquences de ce succès sur le couple du comédien. Le moindre indice d’éloignement entre les deux époux pouvait être interprété en ce sens.
A l’occasion de l’anniversaire de la remise de l’Oscar au comédien, l’attention a redoublé et les médias ont trouvé ce qu’ils cherchaient : l’absence remarquée d’Alexandra Lamy lors de la cérémonie officielle, suivie de vacances séparées.
Il n’en fallait pas plus pour en tirer des conclusions abusives : deux événements concomitants furent considérés comme la conséquence d’une possible séparation.
Cette supposition se base également sur des précédents : il y a peu un autre couple phare, celui de Vanessa Paradis et Johnny Depp, réputé pourtant solide, s’est séparé en juin 2012. Or, la rumeur de leur séparation circulait déjà dans les médias quelques semaines avant son officialisation mais était démentie par les intéressés. En janvier 2012, Vanessa Paradis avait même dénoncé, au Grand Journal, le mal que cette rumeur de séparation, venue des Etats-Unis, faisait à sa famille[3].
Si ce couple emblématique pouvait se séparer, celui d’Alexandra Lamy et de Jean Dujardin le pouvait aussi.
Attribuer un complexe d’infériorité et de la jalousie à Alexandra Lamy ne suffisait pas à expliquer la séparation, les médias ont donc postulé l’existence d’une rivale. Elsa Zylberstein, présente dans le même avion que Jean Dujardin lors de son déplacement vers Los Angeles, était la candidate toute trouvée. Elle était là lors d’un moment clé et venait de retrouver son statut de célibataire.
A l’heure de l’information en direct, il a suffi qu’un média, à la recherche du scoop, lance cette supposition pour que les autres médias la relaye sans attendre sa confirmation par les principaux intéressés. Et puis, il n’est pas rare que les personnalités visées mentent et font croire à la pérennité de leur couple : ce fut le cas de Sarkozy qui, en pleine élection présidentielle 2007, jouait la carte du couple uni avec son ex-femme Cécilia Attias qui, pourtant, l’avait déjà quittée. Les médias accusèrent également Vanessa Paradis d’avoir menti sur sa situation de couple.
Leurs raisons sont différentes bien sûr : pour Sarkozy, il s’agit de stratégie politique. Un président français se devait d’avoir une épouse (Hollande a fait l’exception) et le fait de montrer un mariage réussi pourrait présager la réussite de projets politiques. Vanessa Paradis aurait pu, elle, mentir pour des raisons familiales : dans le but de protéger ses enfants des paparazzis en recherche de détails croustillants sur les causes et les modalités de la séparation ou à l’affût de nouveaux conjoints. La volonté de laver son linge sale en famille, de garder privées ses affaires privées est compréhensible.
Plus que de la malveillance, nous pouvons comprendre la diffusion massive du ragot concernant la séparation d’Alexandra Lamy et Jean Dujardin par :
– l’étonnement que sa concrétisation provoquerait,
– la curiosité face à un événement qui ramène des stars, à qui tout semble sourire, à une condition plus humaine. Les lecteurs peuvent donc se projeter, voire s’identifier à leur histoire ; et enfin,
– le désir de dramatisation des médias pour attirer l’attention de leurs lecteurs.
Le ragot a des qualités : il divertit et permet de réunir des informations sur les personnes qui nous intéressent, sur les normes de la société, la structure de son pouvoir, les liens entre les nantis, etc. Il permet aussi d’échanger avec ses proches, d’établir avec eux un lien de connivence en discutant de sujets croustillants et encore non confirmés.
Cependant, le ragot peut également avoir des conséquences néfastes sur la vie des personnalités visées, leur carrière, leur sociabilité, leur motivation, leur efficacité et leur santé car il joue sur leur réputation, leurs relations et même leurs opportunités professionnelles. Par exemple, Bill Clinton a dû s’excuser pour l’affaire Monica Lewinski sous peine de devoir perdre son poste de président. Or, cette affaire a commencé par un ragot relayé sur Internet par le Drudge Report[4].
Autre exemple, après l’affaire du Sofitel, les médias ont diffusé, en 2011 et 2012, sur base de témoignages douteux, les explications de parties fines auxquelles aurait participé Dominique Strauss-Kahn[5]. Cela lui a coûté son mariage avec Anne Sinclair qui devait pourtant être au courant du libertinage de son mari mais qui n’a plus pu l’accepter à partir du moment où il a été discuté, disséqué, étalé en public.
La rumeur de la grossesse d’un fan de Justin Bieber[6], lui attribuant à tort la paternité, a mis à mal son couple avec Selena Gomez. La confiance altérée s’est transformée en méfiance et en rupture par la suite. Toute information, vérifiée ou non, de rapprochement du chanteur avec une femme étant un indice supplémentaire pour Gomez et entretenait cette méfiance.
Lady Di reste l’un des cas les plus extrêmes, puisque même si elle utilisait les médias pour diffuser des ragots contrôlés, elle a trouvé la mort, victime de la recherche de scoop par les paparazzi lors de la course poursuite qui devait leur donner la confirmation de sa liaison avec Dodi Al-Fayed.
Même s’il n’en arrive pas à ces extrêmes, le ragot peut s’insinuer dans les failles d’un couple ou d’une personnalité et provoquer ce qu’il soupçonne, devenant alors une prophétie auto-réalisatrice. Nous espérons que ce ne sera pas le cas dans ce dossier !
Aurore Van de Winkel
[1] Claude Javeau, « La rumeur, de la bouche à l’oreille », Dans Fumées sans feu. Actes du colloque de Liège sur la rumeur, Bruxelles, Labor, Horizon humanisme, 1994, p. 29.
[2] Auteur anonyme, « Le divorce : la malédiction des oscars selon une étude canadienne », in huffingtonpost.fr, http://www.huffingtonpost.fr/2012/02/27/divorce-malediction-oscars-dujardin-the-artist-meryl-streep_n_1303612.html, mis en ligne le 27 février 2012.
[3] Auteur anonyme, « Vanessa Paradis, J’en suis à ma douzième grossesse », in staragora.com, http://www.staragora.com/news/vanessa-paradis-j-en-suis-a-ma-douzieme-grossesse/438425, mis en ligne le 25 janvier 2012.
[4] Ben Barka, M. 2000. « L’affaire Lewinsky : les enjeux d’un complot de la droite contre Bill Clinton », in Institut du monde anglophone, Changements institutionnels sous le nouveau travaillisme. Annales du monde anglophone, Paris, L’Harmattan, n°12, 2000, p. 200.
[5] Bayet, C., DSK : « Une partie fine pour notre premier rendez-vous », in 7sur7.be, http://www.7sur7.be/7s7/fr/10316/Dominique-Strauss-Kahn/article/detail/1551768/2012/12/20/DSK-Une-partie-fine-pour-notre-premier-rendez-vous.dhtml, mis en ligne le 20 décembre 2012, dernière consultation le 28 février 2013.
Mouton, O., « J’ai reçu des SMS graveleux de DSK », in Lesoir.be. http://www.lesoir.be/dossiers_speciaux/special5/2011-06-04/j-ai-recu-des-sms-graveleux-de-dsk- 843847.php, mis en ligne le 4 juin 2011, dernière consultation le 5 juin 2011.
La rédaction, « Extraits d’Erreurs avouées, de Tristane Banon », in Lexpress.fr. http://deliv.lexpress.fr/5c/express/POLITIQUE_RG/L20/2003794376/Top/EpressRoularta/0611_AP_EPRESSE_XPR_PV-MB/728x90_presse.html/62594c41776b344d6173594143634d4f, mis en ligne le 30 juin 2011, dernière consultation le 6 août 2011.
[6] Blogzer, « Rupture de Selena Gomez et de Justin Bieber », in blogzer.centerblog.net, http://blogzer.centerblog.net/5-rupture-de-selena-gomez-et-justin-bieber, mis en ligne le 12 novembre 2012.